l’histoire d’un criminel
Dominique Pélicot, des viols de Mazan aux cold cases : l’histoire d’un criminel en série hors-normes ?
Mis à jour le 02 décembre 2024 à 16h02
Affaire des viols de Mazan : l’ADN de Dominique P. retrouvé dans des « cold cases » - © BENOIT PEYRUCQAFP
Le procès de Dominique Pélicot, accusé de crimes sexuels d’une ampleur sans précédent, éclaire le parcours d’un criminel sexuel insoupçonné. Celui qui a avoué avoir drogué et abusé de sa femme pendant près d’une décennie, est également impliqué dans plusieurs affaires criminelles non résolues.
Une affaire de soumission chimique exceptionnelle qui a ouvert de nouvelles pistes dans plusieurs anciens dossiers non résolus. L’histoire de Dominique Pélicot, un retraité apparemment sans histoire, jugé depuis septembre et jusqu’au 20 décembre dans ce qu’on appelle aujourd’hui le procès des viols de Mazan, suscite non seulement l’attention des médias internationaux mais aussi des autorités.
L’homme de 72 ans a reconnu 225 viols perpétrés par lui ou des inconnus sur sa femme Gisèle, alors qu’elle était inconsciente, droguée à son insu au Temesta. Entre 2011 et 2020, le rituel était toujours le même : il s’agissait de droguer sa femme à son insu jusqu’à ce que cette dernière soit « proche du coma » et ensuite, d’en abuser sexuellement. Dans le téléphone et l’ordinateur du mari : 20 000 photos et vidéos documentant l’horreur qui permettront d’arrêter le violeur de Mazan.
Au total, ce sont 51 personnes qui sont jugées à Avignon actuellement, et pour lesquelles les réquisitions réclament entre 4 et 20 ans de prison ferme. Outre la terrible affaire des viols de Mazan, le tout nouveau pôle « cold cases » de Nanterre a constaté que l’ADN de Dominique Pélicot était présent dans des anciennes affaires criminelles non résolues.
En le prenant en flagrant délit en train de filmer sous les jupes des femmes dans un supermarché, le vigile du Carrefour de Carpentras qui l’a dénoncé à la police en 2020 pourrait bien avoir permis aux autorités de mettre la main sur un authentique criminel en série. Les enquêteurs dénombrent pour le moment cinq affaires non résolues dans lesquelles il pourrait être impliqué.
Un ADN retrouvé dans une affaire de viol datant de 1999
Tout commence avec l’histoire de Marion, une jeune agente immobilière en Seine-et-Marne qui est victime d’une tentative de viol en 1999, à Villeparisis. À l’époque, la jeune femme fait visiter un appartement à un homme qui se présente à son agence le jour-même. Lors de la visite d’appartement, l’individu l’étrangle et lui place un cutter sous le cou, lui intimant l’ordre de s’allonger sur le ventre. L’homme lui attache les mains dans le dos, avant de lui placer une compresse imbibée d’éther dans le but de l’endormir. Il lui baisse son pantalon et lui retire ses chaussures. Quelques minutes plus tard, la victime parvient à reprendre conscience et à fuir. Coup de théâtre : l’ADN retrouvé sur l’une des chaussures de la victime s’avèrera être celui de Dominique Pélicot.
« Par rapport à cette jeune femme qui a dû grandir et qui se questionne. C’est bien moi »
Face aux enquêteurs de la brigade criminelle, ce prétendu « Monsieur Tout-le-Monde » apparemment capable du pire nie d’abord toute implication dans cette ancienne affaire, lorsqu’il est interrogé une première fois en 2022 à la demande de la juge d’instruction à la tête du « pôle cold cases ». Ce sera la mention de son ADN retrouvé sur une des chaussures de la victime qui le fera flancher au bout du troisième interrogatoire, selon « Le Monde ».
Au procès des viols de Mazan comme dans ces autres affaires, ce criminel sexuel hors-normes n’avoue que devant l’évidence des preuves matérielles. Quand il s’agit d’avouer les crimes commis sur son ex-femme, ce sont les vidéos insupportables des viols de Gisèle Pélicot qui le font parler. Quand il s’agit de Marion, c’est la mention de son ADN qui le fait passer aux aveux.
« Je vais vous dire la vérité, lance-t-il aux policiers à l’époque. Par rapport à cette jeune femme qui a dû grandir et qui se questionne. C’est bien moi. » Au moment des faits, Dominique Pélicot était âgé de 46 ans. Face aux policiers du pôle de Nanterre, il décrit ainsi « une pulsion » ressentie au moment de passer devant l’agence immobilière de cette jeune femme. Entre temps, l’homme a été mis en examen pour tentative de viol avec arme dans cette première affaire.
Lien présumé avec un viol suivi de meurtre en 1991
Et si la justice déterrait beaucoup d’autres « affaires Dominique Pélicot » ? L’enquête policière a ensuite fait le lien avec une autre affaire, plus ancienne encore. Il s’agit du viol et du meurtre de Sophie Narme, le 4 décembre 1991 à Paris. Premier indice : les circonstances sont étrangement ressemblantes à la première affaire car la victime est encore une fois une jeune agente immobilière. Plus confondant encore, le même mode opératoire est repéré : la jeune femme a été violée et tuée alors qu’elle faisait visiter un appartement à un homme qui s’est présenté sous une fausse identité. L’homme a étranglé sa victime, usé d’une arme blanche, avant de la placer au sol sur le ventre et de lui avoir lié les mains dans le dos. Encore une fois, elle a été contrainte à inhaler de l’éther pour lui faire perdre connaissance. Sophie Narme a été blessée par un couteau.
Deux « cold cases » qui mettent en évidence le procédé de la soumission chimique par son auteur, une pratique criminelle déjà au cœur du procès actuel. Dans les années 1990, Dominique Pélicot droguait ses victimes grâce à l’éther, plutôt qu’en leur faisant ingérer du Temesta. Seule différence entre ces deux affaires déterrées du passé : pour la mort de Sophie Narme, les enquêteurs ne disposent pas de l’ADN de Dominique Pélicot comme preuve matérielle. Or, l’intéressé persiste à nier toute implication dans le viol et le meurtre de cette jeune femme. Une situation qui ne risque pas d’évoluer, quand on sait que les traces d’ADN ont été perdues par le service des scellés, selon les révélations de nos confrères du « Monde ».
Une absence d’élément qui n’a pas empêché la justice de mettre en examen le retraité pour meurtre précédé de viol. Pour l’heure, l’information judiciaire le concernant est toujours en cours, selon le parquet de Nanterre. Le procès de Mazan qui s’est ouvert lundi 2 septembre et se fermera le vendredi 20 décembre au palais de justice d’Avignon, ne sera donc pas le dernier procès impliquant la personne de Dominique Pélicot, qualifié par sa propre fille, Caroline Darian, comme « le plus grand criminel sexuel de ces dernières années ».
Cinq autres affaires en cours d’investigation
Maintenant que ces deux affaires ont été exhumées, la police judiciaire continue d’investiguer d’autres affaires, où des femmes ont été agressées encore une fois dans le secteur de l’immobilier, comme le révélait « Midi Libre ». Ces recherches sont effectuées à partir d’une synthèse Salvac (Système d’analyse des liens de la violence associée aux crimes), un logiciel voué à relier les crimes en série, comme en témoignent nos confrères du « Parisien » qui ont eu accès à ce document.
En tout, ce sont cinq affaires, dont un homicide, qui ont été retenues par le logiciel. À chaque fois, les dossiers reprennent le même mode opératoire, que dans ceux de Sophie Narme et Marion. Le scénario est toujours sensiblement le même : l'auteur prend rendez-vous sous une fausse identité avec une salariée d’agence immobilière, avant de passer à l’acte une fois seul avec cette femme lors d’une visite d’appartement. Cependant, dans aucune de ces cinq affaires, l’auteur ne semble avoir utilisé d’éther ou de produit assimilé.
Dans l’affaire titanesque de Mazan, le principal accusé sera bientôt fixé sur sa peine pour les viols répétés sur sa femme et par des inconnus rencontrés sur Internet. Pour l’heure, le ministère public a requis 20 ans de réclusion criminelle contre lui. Reste à savoir quand l’autre procès se tiendra, et s’il concernera les deux « cold cases » mentionnés, ou seulement celui de 1999 où son ADN a été retrouvé.
Dix ans avant que Dominique Pélicot ne soit arrêté, en 2010, c’est au Carrefour de Collégien, commune de Seine-et-Marne, que le même individu s’était fait prendre une fois de plus par les vigiles en train de filmer à leurs insu, sous les jupes, des femmes présente dans la grande surface. Le fichier national automatisé des empreintes génétiques avait déjà fait le rapprochement entre l’ADN de Dominique Pélicot et celui retrouvé sur la chaussure dans le « cold case » de 1999. Mais, l’affaire avait fait l’objet d’un non-lieu à l’époque, et la justice avait failli, laissant la cavale de ce criminel sexuel se poursuivre pendant une décennie.
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