miércoles, 9 de octubre de 2019

Touché au mort.

"Viviane Elisabeth Fauville", de Julia Deck


Julia Deck publie un premier roman qui relate la mise à mort d'un psychanalyste par une de ses malades.

Par Jean Birnbaum (Prière d'insérer) 
Publié le 05 novembre 2012 à 10h21 - Mis à jour le 05 novembre 2012 à 10h26


Le 1er septembre, une psychothérapeute est morte après qu'un de ses patients, un schizophrène de 28 ans, l'eut étranglée à son cabinet. Cinq jours plus tard, c'est-à-dire aujourd'hui, une jeune femme, Julia Deck, publie un premier roman qui relate la mise à mort d'un psychanalyste par une de ses malades. La coïncidence apparaît d'autant plus sidérante que ce type de passage à l'acte est rare. Mais le fait divers comme le roman viennent rappeler que les médecins de l'âme se tiennent sur une ligne de front qui les expose à la folie, ordinaire ou dangereuse. Ils s'y trouvent livrés à des feux croisés, désir et haine, séduction et destruction.

Le tour de force de Julia Deck consiste à installer son lecteur dans la tête de la meurtrière, dont le nom est aussi le titre du livre, Viviane Elisabeth Fauville (Minuit, 160 p., 13,50 €). D'emblée, nous sommes captifs de ses failles, nous entendons les voix qui lui disent des choses banales, mais saturées de paranoïa : "Si l'on avait un tant soit peu cherché à soulager votre mal au lieu de vous y plonger, vous n'en seriez peut-être pas arrivée là"... Là ? A ce point de non-retour dont le récit révèle peu à peu les coordonnées ravageuses : Viviane vient d'accoucher ; et de divorcer ; et de tuer son psy ; en pleine séance ; avec un couteau de marque ; cadeau de mariage ; offert par sa mère.

Dès lors, Julia Deck entremêle les fils de deux enquêtes à travers les rues de Paris : celle de la police sur l'entourage du médecin, et celle de la littérature sur les confins de l'humain. Son polar fêlé nous fait découvrir une mère aussi haineuse qu'indulgente, un mari en souffrance, et un bébé qui, comme tout le monde ici, ne demande qu'à s'exprimer. Ainsi la plume de Julia Deck reconstitue-t-elle cette scène sanglante, innommable, où la folie s'inscrit à même les corps. Gare à ceux qui s'aventurent à lui faire face. Ils risquent de se trouver touchés au vif, et même, selon un mot du psychanalyste J.-B. Pontalis, touchés au mort.

Jean Birnbaum (Prière d'insérer)

No hay comentarios:

Publicar un comentario